mardi 14 octobre 2014

Compétitivité, encore et toujours

Ce matin, j'écoutais le 7/9 de France Inter. L'invité politique est Alain Juppé, venu nous annoncer son optimisme, au vu de sondages récents. Et à un moment, il annonce qu'il sait ce qu'il faut faire pour aider les entreprises françaises. C'est, je le reconnais, une annonce d'importance, puisque tout ce qui est fait depuis des années n'a pas réussi à montrer son efficacité. J'écoute donc attentivement.

"Il faut", dit-il donc en substance (je ne cite pas, allez donc ré-écouter l'interview), "baisser les charges sur les salaires, revoir le temps de travail, revoir le Code du Travail, garantir un prix de l'énergie bas, diminuer les impôts et revoir la formation puisque les entreprises ne trouvent pas de bons candidats alors que des diplômés ne trouvent pas de travail". Eh bien, cela valait le coup d'attendre. Une superbe vision comptable du problème. La même que celle de tous les autres politiques, tous les journalistes et chroniqueurs économiques, tous les grands patrons d'entreprise.

Bref, rien de neuf. Rien que l'on ne connaisse déjà. Ces méthodes ont été essayées, elles ne donnent que des résultats très insuffisants. "Si les entreprises tournent mal, c'est la faute du contexte, c'est la faute de l'environnement, c'est la faute des contraintes extérieures" : excuses pitoyables. Ce ne serait jamais de la responsabilité du chef d'entreprise, du système qu'il a mis en place, ou qu'il a laissé mettre en place, ou qu'il n'a pas su modifier ? Pour W. Edwards Deming, 94% des décisions permettant d'améliorer le fonctionnement des entreprises sont du ressort de la direction.

94%... L'action n°1 à entreprendre, sans délai, est la formation de nos élites dirigeantes.

H

samedi 11 octobre 2014

La géographie

"Ceux qui font l'histoire défont la géographie". Je ne sais plus qui a dit ça (ou à qui on attribue ça), mais l'expression fait référence aux grands conquérants, les Alexandre le Grand, Jules César, ou même Napoléon.

J'ai reçu un courriel d'une compagnie aérienne. Le métier des compagnies aériennes, c'est de transporter des individus ou des marchandises d'un point A à un point B. On peut donc s'attendre à ce qu'une compétence de base soit la connaissance de la géographie.

Voici l'image qui accompagne le courriel :

Rien ne vous choque ? Tous ceux qui sont allée à Prague, en république Tchèque (et même pour certains, en Tchécoslovaque, c'est dire si je connais des anciens), tous, donc, m'en ont vanté la beauté. J'envisage donc de m'y rendre. Et comme je dispose d'un certain nombre de miles (de points pour bénéficier de voyages gratuits), j'envisage de m'y rendre avec cette compagnie aérienne.

Mais voilà : faut-il que je prenne un billet à destination de Vienne, en Autriche ?

Bon, vous me direz, "ce n'est pas comme si cette entreprise voulait redorer son image"...

H

mardi 23 septembre 2014

Les gouttes enflamées

J'ai eu l'occasion de m'intéresser à une rubrique de la nomenclature ICPE. J'ai été chercher les textes de loi qui encadrent cette rubrique. Et j'ai été chercher les définitions (vous savez que j'entretiens le site Qualitionnaire et son glossaire). Et j'ai découvert quelque chose.

Dans l'Arrêté du 23 décembre 2008 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts relevant du régime de la déclaration au titre de la rubrique n° 1510 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (NOR: DEVP0827962A ), on trouve une annexe qui contient des définitions. Et il est écrit : "réaction et résistance au feu des éléments de construction, classe et indice de toiture, gouttes enflammées » : ces définitions sont celles figurant dans les arrêtés du 21 novembre 2002, du 22 mars 2004 et du 14 février 2003 susvisés".

Bon, ce n'est pas sympa, mais allons rechercher si on trouve les définitions annoncées dans les arrêtés "susvisés" (j'aime beaucoup ce mot). Par exemple "gouttes enflammées".
  • dans l'arrêté du 21 novembre 2002 relatif à la classification des matériaux selon leur réaction au feu , on ne trouve pas de référence à "goutte enflammée";
  • dans celui du 14 février 2003 sur les performances des toitures et couvertures de toiture exposées à un incendie extérieur , on n'en trouve pas non plus;
  • et dans celui du 22 mars 2004 sur la détermination du degré de résistance au feu des matériaux de construction, surprise, on ne trouve pas non plus
Amusant, non : la source citée (les sources citées) comme contenant la définition est vide (sont vides). Alors, peut-être que la définition est dans une norme annexe, non directement accessible. Mais je suis toujours surpris lorsque je constate que les textes sont mal écrits.

Ils sont où, les qualiticiens des ministères ?

H

dimanche 21 septembre 2014

C'est pas moi !

Comme je suis allergique aux kilos de dépliants publicitaires retrouvés dans les boîtes aux lettres, publicités qui vont directement à la poubelle, j'ai mis sur la mienne (sur ma boîte aux lettres) un signe "pas de publicité". Ce n'est pas un autocollant délavé, c'est une plaque gravée, avec un bon contraste, tout à fait lisible. Ça fonctionne plutôt bien, et il est exceptionnel que je retrouve des liasses de prospectus pour les grandes surfaces.

Mais il arrive que je trouve tout de même des cartons, généralement déposés par des "locaux", le plus souvent des agences immobilières. Là, il y avait 3 papiers. Deux (différents) provenaient d'un antiquaire qui m'assurait de son total dévouement, et une agence immobilière du quartier qui m'assurait elle aussi de son total dévouement. Comme j'ai peut-être un peu mauvais caractère, et que j'avais un peu de temps, je leur ai téléphoné. "Bonjour, j'ai trouvé dans ma boîte aux lettres un prospectus venant de chez vous, et j'ai une petite question à vous poser". "Bien sûr monsieur, je vous écoute". "Qu'est-ce que vous ne comprenez pas dans "pas de publicité" ?". Et là, un petit blanc, puis "Ah ben oui, vous n'êtes pas le premier, je leur ai bien dit, mais vous comprenez, ce n'est pas moi qui fait la distribution." "Mais c'est votre nom, votre numéro de téléphone. Vous êtes responsable de l'activité, vous devez vous assurer que les choses sont bien faites." L'antiquaire m'a dit qu'il ne pouvait pas mettre en prison celui qui faisait la distribution, a ajouté que puisque j'étais écologiste, je n'avais qu'à mettre les prospectus dans la poubelle de recyclage et m'a raccroché au nez. La secrétaire de l'agence immobilière a essayé un argument ("ce n'est pas une publicité, c'est une information"), avant de me demander mon adresse pour retrouver celui qui était en faute.

J'ai dit à l'agence immobilière que l'image transmise aux clients était "Nous ne respectons pas vos désirs aujourd'hui, donc nous ne vous respecterons pas non plus si nous devons faire affaire un jour". J'ai insisté sur le caractère déplorable de cette approche. Je ne suis pas certain d'avoir été entendu.

Au-delà de cet aspect - qui à lui seul a des conséquences terribles sur le business - cela renvoie à la maîtrise des opérations sous-traitées. Il est tout à fait acceptable qu'une entreprise, quelle que soit sa taille, sous-traite une partie de son activité. Mais elle doit garder la maîtrise du processus comme elle en surveille le résultat. Je ne peux pas connaître le sous-traitant, et je ne peux que m'adresser au donneur d'ordre. Celui-ci a toujours tort quand il hausse les épaules.

L'intelligence entrepreneuriale a encore des progrès à faire...

H

mercredi 3 septembre 2014

A consommer avec modération

J'ai la chance de voyager pour mon travail. Aujourd'hui je suis à Cayenne.

J'avais besoin de marqueurs, alors je suis allé dans une grande surface pour en acheter. Et dans les rayons, j'ai vu ceci :

Dans un litre de rhum à 50°, il y a 500 mL d'alcool pur, soit 400 g d'alcool pur. A 4,75€, cela nous met le gramme d'alcool pur à 1,19 cents d' €.

J'ai cherché sur Internet, la bouteille de rhum Dillon la moins chère que j'ai trouvée, c'est 70 cL de rhum à 43°, pour 12,78 €. 70 cL de rhum à 43°, c'est 301 mL, soit 241 g d'alcool pur. Pour 12,78 €, on a le gramme d'alcool pur à 5,3 cents d'€. Il y a un facteur 4,5 (environ) entre la Guyane et la métropole.

Le prix bas vient notamment de taxes très inférieures en Guyane (les droits sur les alcools en particulier, qui se montent 8,59€ par litre d'alcool pur), ou la contribution sécurité sociale: 5,52 € par litre d'alcool pur, mais aussi la TVA "normale" est à 0% (et les tickets de caisse de l'hyper marché affichent au-dessous "TVA réduite : 0%" ! la logique scientifique est respectée). Droit sur les alcools + contribution sécurité sociale devraient donc atteindre 14,11 € pour un litre d'alcool pur, ou 7,05 € pour un litre de rhum à 50°. Et je ne parle pas de payer la bouteille, ni de rémunérer la distillerie ou le distributeur. Je ne compte que les taxes...

Le croirez-vous ? Le très sérieux INPES, l'Institut National pour la Prévention et l’Éducation en Santé, nous certifie pourtant (lire l'étude ici) que l'alcoolisme en métropole est pourtant plus important qu'aux Antilles et en Guyane :
Comme quoi la politique de l'offre n'est pas nécessairement un gage de réussite pour relancer la consommation !

H

vendredi 29 août 2014

Trop de normes, trop de lois ...

... ou trop peu d'éthique chez les puissants ?

La Loi est une belle chose, qui encadre les actions des individus pour protéger les plus faibles d'entre eux, ou la Société. Bien entendu, ceux qui veulent la contourner font preuve d'imagination, et une autre loi doit apparaître, pour préciser la première. Petit à petit, l'Humanité est passée des 10 commandements à un arsenal quasi inextricable de textes plus ou moins rapiécés. Aucune entreprise ne pourrait fonctionner convenablement avec un système qualité documenté comme sont les lois, codes, décrets, arrêtés français. Du coup, non seulement les plus habiles des lecteurs arrivent à trouver des manières légales, sinon loyales, de pratiquer à leur guise et d'échapper, par exemple, à l'impôt, mais encore il est facile de montrer à la face du monde des Codes obèses en demandant leur "simplification" en préalable à tout mouvement de progrès.

C'est peut-être de bonne guerre, même si ça ne fait pas avancer le bien-être du peuple.

Aux États-Unis, la situation est pire encore, les "lawyers" sont partout, les tribunaux pléthoriques et la justice pas tout à fait aussi "publique" que chez nous, puisque les juges sont élus, que les procureurs sont payés par les mairies, que la police est payée aussi par la mairie, que les maires sont eux aussi élus et que donc les juges travaillent pour les maires. Bien entendu, ils se doivent de respecter scrupuleusement les textes, sinon leurs décisions sont cassées.

À Philadelphie (en Pennsylvanie), R. Seth Williams, le procureur du district (le District Attorney, ou DA) est un homme puissant. Pas moins de 600 personnes travaillent pour lui : juristes, enquêteurs, personnel administratif. De même, Charles H. Ramsey, le chef de la police, dirige 6 600 policiers et 800 civils. Il faut dire que la ville, dont le maire est Michael A. Nutter, compte un million et demi d'habitants - c'est la septième zone économique des USA, abritant les sièges de Rohm & Haas, GlaxoSmithKline, FMC corp....

Tout ce beau monde fait aujourd'hui l'objet d'une "class action", pour avoir détourné de son objet une Loi locale : la "civil forfeiture", ou "confiscation civile". Cette loi de Pennsylvanie permet la confiscation de matériel, ou d'argent ayant servi par exemple à du trafic de drogue. Elle s'applique aussi à un bâtiment, ou à une voiture, dans ou avec lesquels le crime a pu être commis. Même si cela conduit parfois à des affaires comme "la municipalité contre une berline Lincoln de 1958" ou "la municipalité contre le 605, rue de l'Université", cela parait avoir du sens, non ?

Cela a du sens, en effet, puisque le district attorney, aidé par le chef de la police, utilise cette loi pour confisquer les maisons ou appartements dans lesquels vivent des trafiquants de drogue. Un exemple : votre fils ou votre neveu est surpris devant chez vous en train de vendre pour 40 dollars de cannabis ? Peu importe si le propriétaire du bien n'a aucune responsabilité dans le crime, c'est à lui de prouver que sa maison (sa voiture) n'en n'a pas non plus ! "Dura lex, sed lex". Vous dégagez, le bureau du procureur saisit la maison, et si un juge l'y autorise, la vend et conserve l'argent. Ingénieux, n'est-ce pas ? Cela rapporte au bureau du DA une moyenne de 5,8 millions de dollars chaque année (64 millions en 11 ans). Dans le dossier de la "class action" on nous explique même que le montant généré à Philadelphie est à 8 écart-types au-dessus de la moyenne de la Pennsylvanie ! Pas besoin de test statistique sophistiqué pour y voir une "cause spéciale"... Pour comparer, c'est seulement 1.2 millions par an pour Brooklyn (2,2 millions d'habitants) ou Los Angeles (10 millions d'habitants).

Comment conclure ? Je pourrais rappeler que dans les Lois, ou dans les Directives et Règlements Européens, le plus important à lire sont les "attendus" ou les "considérant" , qui expliquent dans quel optique le texte a été écrit. . Il est très improbable qu'il ait été écrit "dans l'optique de trouver une source de revenus pour le bureau du Procureur, ...." Je pourrais aussi rappeler la pensée de Cicéron : "Il me semble que les chefs doivent tout rapporter à ce principe : ceux qu'ils gouvernent doivent être le plus heureux possible."

H

mardi 26 août 2014

L'agriculture d'aujourd'hui

Lorsque j'étais enfant, dans les années 1960, les agriculteurs cultivaient essentiellement des céréales : blé, orge, avoine. Les moissons se faisaient en août, le maïs était cantonné à l'Aquitaine et à Midi-Pyrénées, et le colza ne dépassait guère les 50 000 ha cultivés en France. Bien entendu, pour ce dernier, les études de Roine et. al. (1960), qui avait nourri des rats à l'huile de colza à hauteur de 70% de leurs apports énergétiques et avait ensuite décelé des myocardites, ont fait beaucoup pour générer la peur de l'acide érucique (ou acide dococénoïque, acide gras en C22, monoinsaturé) dont l'huile de colza contenait alors jusqu'à 10%, et donc le rejet de la plante. Depuis, on a trouvé des variété très pauvres en acide érucique, qui sont cultivées aujourd'hui.

En 2014, lorsqu'on traverse la France au printemps, les surfaces couvertes en colza sont partout. Le Cetiom (Centre Technique Interprofessionnel des oléagineux et du chanvre) en recensait 907 000 ha en 2008 et 1 500 000 ha en 2014. Les surfaces ont été multipliées par 30 en 50 ans ! Quand on sait que de surcroît les rendements ont été multipliés par 1,5 entre 1976 et 2011 (et de combien depuis 1960 ?), on a du mal à imaginer que nous consommons toute cette huile.

En fait, nous la consommons, mais pas dans notre assiette ! L'huile produite en France va, pour 75 %, dans des applications industrielles, dont le biodiesel. Et c'est une tendance lourde de nos sociétés auto-proclamées "développées" : nos agriculteurs travaillent pour l'industrie (ou pour nos éleveurs : le bétail ne mange plus d'herbe, ce serait trop facile !), et nous importons notre nourriture d'Afrique ou d'Asie.

La carte ci-dessus est extraite du site du National Geographic (que je prie de bien vouloir m'excuser pour cet emprunt). Elle présente en dégradé du violet au vert la répartition de la production agricole dans le monde. En violet, c'est pour l'industrie (feed : alimentation animale, et aussi chimie, essence...) et en vert pour l'être humain (food).

Ce genre de situation ne peut pas durer tranquillement pendant longtemps. Un jour ou l'autre, cela se terminera mal...

H

Et un grand merci à Jean-Pierre Henri Moreau pour son alerte.