mardi 28 février 2017

Les microbes, Donald Trump et le principe de précaution,



En octobre 2016, l'OMS avait publié un aide mémoire sur le phénomène de résistance aux antibiotiques.

Hier, 27 février 2017, La même OMS publie une liste de 12 bactéries contre lesquelles il est urgent d'avoir de nouveaux antibiotiques.

Cette liste est la suivante :

Priorité 1: CRITIQUE
    Acinetobacter baumannii
    Pseudomonas aeruginosa
    Enterobacteriaceae


Priorité 2: ÉLEVÉE
    Enterococcus faecium
    Staphylococcus aureus
    Helicobacter pylori
    Campylobacter spp.
    Salmonellae
    Neisseria gonorrhoeae


Priorité 3: MOYENNE
    Streptococcus pneumoniae
    Shigella spp.


La classe "enterobacteriaceae" représente les entérobactéries, celles qui constituent le contenu de nos intestins. Le communiqué précise "dont Klebsiella, E. coli, Serratia, et Proteus".

Ces bactéries causent des maladies, avec un taux de mortalité non nul. On s'achemine vers un jour où les médecins ne disposeront plus d'option thérapeutique, puisque l'usage répété des antibiotiques à contribué à sélectionner des variants résistants à tout les antibiotiques connus.

dans le communiqué, on peut lire : «Cette liste est un nouvel outil pour veiller à ce que la recherche-développement réponde aux besoins urgents de la santé publique», indique le Dr Marie-Paule Kieny, Sous-Directeur général à l’OMS pour le Groupe Systèmes de santé et innovation. «La résistance aux antibiotiques augmente et nous épuisons rapidement nos options thérapeutiques. Si on laisse faire le marché, les nouveaux antibiotiques dont nous avons le besoin le plus urgent ne seront pas mis au point à temps

L'OMS tire donc une sonnette d'alarme, essayant de pousser les gouvernements à mettre en place des politiques incitant les agences financées par le public comme le secteur privé à investir dans la recherche fondamentale et la recherche développement avancée pour découvrir de nouveaux antibiotiques."

Le problème du marché, c'est qu'il vise les traitements contre des maladies "de riches", comme le diabète ou les neuroleptiques. Les antibiotiques ne rapportent pas assez d'argent...

Le même jour, nous apprenons que Donald Trump annonce qu'il va augmenter le budget de la défense US de 54 milliards de dollars (à titre de comparaison, c'est plus que le budget de la défense en France). Cette somme considérable est paraît-il investie (ou dépensée) pour protéger les États-Unis. Peut-être, mais de quel ennemi ? Qui est en guerre contre les USA ? Quelle menace vaut-elle le coup de faire passer le budget de la défense de 596 (en 2016) à 650 milliards de dollars ? Les USA représentent déjà 36% des dépenses militaires mondiales ! Loin devant tous leurs ennemis potentiels !

Si M. le Président Trump se donnait la peine de consulter le Bad Bug Book, ou "Livre des Méchantes Bébêtes", publié par l'Administration de son propre pays, il y lirait que les seuls E. coli enterohémorragiques infectent 63 000 personnes par an, avec un taux de mortalité variant entre 3 et 5% Même à 3%, cela fait pas loin de 2000 morts par an. Pour Salmonella, on a 1 027 000 cas par an, avec moins de 1% de mortalité. Même à 0.5% de mortalité, on dépasse les 5000 morts par an.

Le véritable ennemi des USA (et de l'humanité entière), ce sont les bactéries. Elles font bien plus de morts chaque année que les militaires ennemis. Si demain on ne peut plus soigner les patients, les chiffres de la mortalité vont exploser. Si M. le président appliquait le principe de précaution, ou la simple analyse de risques, il devrait mettre les moyens dans la recherche pharmaceutique...

En plus, cela ferait du bien à son économie...

H

jeudi 16 février 2017

Nom : Xylella, prénom fastidiosa.

Xylella fastidiosa est une bactérie difficile à cultiver en laboratoire (d'où son petit nom de "fastidieuse") mais qui se développe bien dans le milieu naturel. C'est un nommé Pierce qui l'a décrite pour la première fois en 1887 : c'était l'agent pathogène d'une maladie de la vigne observée en Californie - que l'on appelle depuis "Maladie de Pierce".

Depuis cette époque, on a pu se rendre compte que la bactérie en question est "polyphage", c'est à dire qu'elle se nourrit de nombreux végétaux. Elle infecte ainsi, outre la vigne : le pêcher, le prunier, le cerisier, l'amandier, le laurier, l'olivier, l'oranger, l'orme, le chêne, l'avocatier, le mûrier... Son vecteur de dissémination est en particulier la cicadelle, une famille d'insectes suceurs qui se nourrissent de la sève des plantes et qui, à cette occasion, transportent la bactérie. Notons au passage que les cicadelles peuvent transporter d'autres agents pathogènes...

On ne sait pas traiter les infections bactériennes des végétaux. L'utilisation des antibiotiques est (heureusement) interdite dans ce cas-là. Le seul traitement possible est l'arrachage et l'incinération des plants contaminés. On arrive ainsi à contenir la dissémination du "feu bactérien" du pommier ou du poirier (causé par Erwina amylovora). Une alternative prophylactique est de n'utiliser que des porte-greffes résistants.

En 2013, on a découvert des oliviers contaminés dans les Pouilles, cette province italienne qui forme le talon de la botte. Les scientifiques ont aussitôt organisé la riposte : on arrache, on brûle! Mais les agriculteurs (et une bonne partie de la population) ont vu les choses autrement. "Ces scientifiques sont les agents des multinationales de l'agrochimie. Ce sont eux qui ont disséminé la bactérie!" Et un juge a mis les scientifiques en examen. Les arrachages ont cessé.

En 2016 on isolait la bactérie sur des oliviers en Corse. Aujourd'hui, elle est aux Baléares. Et on se prend à imaginer le pire. L'Espagne, premier producteur mondial d'huile d'olive, pourrait se retrouver ruinée.

On a raison d'imaginer le pire. La cicadelle et la bactérie sont bien plus efficaces que nous. Et les plantations d'olivier vont disparaître, dans les années qui viennent, d'autant plus vite que les plantations sont étendues. D'ailleurs, nous avons tous déjà constaté l'augmentation du prix de l'huile d'olive, dans nos supermarchés. Malheureusement, l'huile vieillit assez mal, et il n'est pas possible d'en stocker pour des durées longues.

J'ai vu disparaître les ormes, dans les années 1980. Et un jour viendra où les plantations de palmiers à huile indonésiennes disparaîtront aussi, dès qu'un pathogène se sera installé.

Quel dommage que l'intérêt local, immédiat, passe toujours avant l'optimum global, sur le long terme...

H