vendredi 29 août 2014

Trop de normes, trop de lois ...

... ou trop peu d'éthique chez les puissants ?

La Loi est une belle chose, qui encadre les actions des individus pour protéger les plus faibles d'entre eux, ou la Société. Bien entendu, ceux qui veulent la contourner font preuve d'imagination, et une autre loi doit apparaître, pour préciser la première. Petit à petit, l'Humanité est passée des 10 commandements à un arsenal quasi inextricable de textes plus ou moins rapiécés. Aucune entreprise ne pourrait fonctionner convenablement avec un système qualité documenté comme sont les lois, codes, décrets, arrêtés français. Du coup, non seulement les plus habiles des lecteurs arrivent à trouver des manières légales, sinon loyales, de pratiquer à leur guise et d'échapper, par exemple, à l'impôt, mais encore il est facile de montrer à la face du monde des Codes obèses en demandant leur "simplification" en préalable à tout mouvement de progrès.

C'est peut-être de bonne guerre, même si ça ne fait pas avancer le bien-être du peuple.

Aux États-Unis, la situation est pire encore, les "lawyers" sont partout, les tribunaux pléthoriques et la justice pas tout à fait aussi "publique" que chez nous, puisque les juges sont élus, que les procureurs sont payés par les mairies, que la police est payée aussi par la mairie, que les maires sont eux aussi élus et que donc les juges travaillent pour les maires. Bien entendu, ils se doivent de respecter scrupuleusement les textes, sinon leurs décisions sont cassées.

À Philadelphie (en Pennsylvanie), R. Seth Williams, le procureur du district (le District Attorney, ou DA) est un homme puissant. Pas moins de 600 personnes travaillent pour lui : juristes, enquêteurs, personnel administratif. De même, Charles H. Ramsey, le chef de la police, dirige 6 600 policiers et 800 civils. Il faut dire que la ville, dont le maire est Michael A. Nutter, compte un million et demi d'habitants - c'est la septième zone économique des USA, abritant les sièges de Rohm & Haas, GlaxoSmithKline, FMC corp....

Tout ce beau monde fait aujourd'hui l'objet d'une "class action", pour avoir détourné de son objet une Loi locale : la "civil forfeiture", ou "confiscation civile". Cette loi de Pennsylvanie permet la confiscation de matériel, ou d'argent ayant servi par exemple à du trafic de drogue. Elle s'applique aussi à un bâtiment, ou à une voiture, dans ou avec lesquels le crime a pu être commis. Même si cela conduit parfois à des affaires comme "la municipalité contre une berline Lincoln de 1958" ou "la municipalité contre le 605, rue de l'Université", cela parait avoir du sens, non ?

Cela a du sens, en effet, puisque le district attorney, aidé par le chef de la police, utilise cette loi pour confisquer les maisons ou appartements dans lesquels vivent des trafiquants de drogue. Un exemple : votre fils ou votre neveu est surpris devant chez vous en train de vendre pour 40 dollars de cannabis ? Peu importe si le propriétaire du bien n'a aucune responsabilité dans le crime, c'est à lui de prouver que sa maison (sa voiture) n'en n'a pas non plus ! "Dura lex, sed lex". Vous dégagez, le bureau du procureur saisit la maison, et si un juge l'y autorise, la vend et conserve l'argent. Ingénieux, n'est-ce pas ? Cela rapporte au bureau du DA une moyenne de 5,8 millions de dollars chaque année (64 millions en 11 ans). Dans le dossier de la "class action" on nous explique même que le montant généré à Philadelphie est à 8 écart-types au-dessus de la moyenne de la Pennsylvanie ! Pas besoin de test statistique sophistiqué pour y voir une "cause spéciale"... Pour comparer, c'est seulement 1.2 millions par an pour Brooklyn (2,2 millions d'habitants) ou Los Angeles (10 millions d'habitants).

Comment conclure ? Je pourrais rappeler que dans les Lois, ou dans les Directives et Règlements Européens, le plus important à lire sont les "attendus" ou les "considérant" , qui expliquent dans quel optique le texte a été écrit. . Il est très improbable qu'il ait été écrit "dans l'optique de trouver une source de revenus pour le bureau du Procureur, ...." Je pourrais aussi rappeler la pensée de Cicéron : "Il me semble que les chefs doivent tout rapporter à ce principe : ceux qu'ils gouvernent doivent être le plus heureux possible."

H

mardi 26 août 2014

L'agriculture d'aujourd'hui

Lorsque j'étais enfant, dans les années 1960, les agriculteurs cultivaient essentiellement des céréales : blé, orge, avoine. Les moissons se faisaient en août, le maïs était cantonné à l'Aquitaine et à Midi-Pyrénées, et le colza ne dépassait guère les 50 000 ha cultivés en France. Bien entendu, pour ce dernier, les études de Roine et. al. (1960), qui avait nourri des rats à l'huile de colza à hauteur de 70% de leurs apports énergétiques et avait ensuite décelé des myocardites, ont fait beaucoup pour générer la peur de l'acide érucique (ou acide dococénoïque, acide gras en C22, monoinsaturé) dont l'huile de colza contenait alors jusqu'à 10%, et donc le rejet de la plante. Depuis, on a trouvé des variété très pauvres en acide érucique, qui sont cultivées aujourd'hui.

En 2014, lorsqu'on traverse la France au printemps, les surfaces couvertes en colza sont partout. Le Cetiom (Centre Technique Interprofessionnel des oléagineux et du chanvre) en recensait 907 000 ha en 2008 et 1 500 000 ha en 2014. Les surfaces ont été multipliées par 30 en 50 ans ! Quand on sait que de surcroît les rendements ont été multipliés par 1,5 entre 1976 et 2011 (et de combien depuis 1960 ?), on a du mal à imaginer que nous consommons toute cette huile.

En fait, nous la consommons, mais pas dans notre assiette ! L'huile produite en France va, pour 75 %, dans des applications industrielles, dont le biodiesel. Et c'est une tendance lourde de nos sociétés auto-proclamées "développées" : nos agriculteurs travaillent pour l'industrie (ou pour nos éleveurs : le bétail ne mange plus d'herbe, ce serait trop facile !), et nous importons notre nourriture d'Afrique ou d'Asie.

La carte ci-dessus est extraite du site du National Geographic (que je prie de bien vouloir m'excuser pour cet emprunt). Elle présente en dégradé du violet au vert la répartition de la production agricole dans le monde. En violet, c'est pour l'industrie (feed : alimentation animale, et aussi chimie, essence...) et en vert pour l'être humain (food).

Ce genre de situation ne peut pas durer tranquillement pendant longtemps. Un jour ou l'autre, cela se terminera mal...

H

Et un grand merci à Jean-Pierre Henri Moreau pour son alerte.

lundi 25 août 2014

Trop de normes...

... ou pas assez de méthode ?

Vous le savez peut-être, je suis un des administrateurs du site Qualitionnaire, un site collaboratif fonctionnant sur un moteur MediaWiki , dont l'une des réalisations les plus importantes est un glossaire de termes du monde Qualité-Sécurité-Environnement-Développement durable. Nous avons à ce jour extrait des définitions réglementaires francophones (ou provenant de sources faisant autorité : Bureau International du Travail, Organisation Mondiale de la Santé, OTAN, INSEE, etc), pour plus de 18 000 termes et expressions. Et certaines fiches comportent plus de 100 entrées différentes. Un des objectifs est de montrer que parfois, la même notion est couverte par des définitions plus ou moins différentes selon que l'on consulte un Règlement Européen, un Arrêté français, ou un Traité International.

Aujourd'hui, alors qu'un remaniement ministériel va entériner le départ d'un des rares ministres qui pilotait un vrai processus (ministre du redressement productif, c'est être pilote d'un processus dont on voit clairement l'objectif et la valeur ajoutée. Alors que le (la) ministre de la fonction publique, ou celui (celle) du logement, s'ils ont un rôle, il apparaît moins clairement); aujourd'hui donc, j'ai entrepris d'intégrer les définitions contenues dans le Règlement Européen 260/2014 "modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique, le règlement (CE) n°440/2008 établissant des méthodes d’essai conformément au règlement (CE) n°1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH)" (sacré titre !). C'est un volumineux document (253 pages), qui contient nombre de méthodes analytiques. Chacune d'elle est suivie de son appendice, qui comprend des définitions. Et il y a aussi des définitions génériques, qui s'appliquent à toutes le document.

Et je suis tombé sur deux définitions différentes du même concept. Dans le même document ! Une définition générale assez détaillée, et une définition particulière beaucoup moins claire. C'est pour la notion de "coefficient de partage"
  • pour la définition générale, on a : 
  • Le coefficient de partage d’une substance entre l’eau et un solvant lipophile (1-octanol)
    caractérise la répartition à l’équilibre de la substance chimique entre les deux phases. Le coefficient de partage entre l’eau et le 1-octanol (POE) est défini comme étant le rapport des concentrations à l’équilibre de la substance d’essai dans du 1-octanol saturé avec de l’eau (CO) et dans de l’eau saturée avec du 1-octanol (CE).
    POE = CO / CE
    Le rapport de deux concentrations est une valeur adimensionnelle. Il est exprimé le plus souvent par son logarithme décimal (log POE). Le POE dépend de la température et les résultats rapportés doivent préciser la température de mesure.
  • pour le point 7 - toxicocinétique on a :
    Coefficient de partage :
    également appelé coefficient de distribution, il mesure la solubilité différentielle d’une substance chimique dans deux solvants.

N'y a-t-il donc personne pour relire les documents ? N'existe-t-il aucune méthode pour rédiger un Règlement européen ?

Il est où, le lobby des qualiticiens à Bruxelles ?

H

dimanche 17 août 2014

Revitaliser l'industrie...

... l'industrie américaine (dans un premier temps ?)

Comme la majorité d'entre vous (je suppose), je me suis abonné au fil des années à un certain nombre de sites internet et de lettres d'information en ligne. Je n'en lis qu'une infime partie, mais je garde un œil ouvert. Et de temps à autre, passe un perle. Et aujourd'hui est un jour de bonne pioche.

Le site Packaging world m'envoie donc un lien pour télécharger un ouvrage au format pdf (vendu 95 UD$ au format papier), le Manufacturing Workforce Development Playbook, ou "Scénarios pour le développement de la main d'œuvre dans l'industrie".

Ce livre fait plus de 200 pages, c'est une compilation d'articles "pour la revitalisation de l'industrie américaine" (je cite le commentaire d'un des vices président d'Apollo Group, Inc., un géant de l'enseignement aux USA : 44 000 salariés, un C.A de 3,6 milliards d'US$ en 2013, qui gère notamment l'Universités de Phoenix (Arizona), et chez qui un peu moins de 270 000 étudiants étaient inscrits en 2013. Ce Monsieur semble donc qualifié pour commenter l'ouvrage.)

Pour faire court, tout le livre porte sur le besoin d'améliorer grandement la formation des collaborateurs, en mettant tout le monde à contribution:
  • les salariés, qui ne souhaitent pas toujours se remettre en question (ou être remis en question)
  • les managers, qui ne savent pas toujours exprimer leurs besoins
  • les directions, qui considèrent trop souvent que "chez nous, c'est différent", et qui souhaitent que soient montés des modules parfois peu pertinents
  • les ressources humaines, qui choisissent parfois les stages sans réelle compétence, en se fondant sur le titre du stage, et son cout
  • les organismes de formation, qui ne comprennent pas toujours les besoins réels des entreprises
  • les formateurs enfin, qui eux aussi ne se remettent pas toujours en cause

Voilà un angle d'attaque pour "revitaliser l'industrie" qui ne fait pas appel à la diminution des salaires ou des impôts sur les sociétés. Et ça, c'est quelque chose qui me plait!

H

mercredi 13 août 2014

Les normes, ou la contrebande moderne

En France, il existe une Norme publiée par l'AFNOR, la NF C 15-100, qui traite de la conformité des installations électriques basse tension. Elle est d'application obligatoire, c'est à dire que les appartements (mais aussi les immeubles de bureaux) qui sont construits aujourd'hui possèdent nécessairement des installations électriques conformes aux préconisations de cette norme. En pratique, c'est plus ou moins vrai; la norme présentant des exigences parfois un peu ... exagérées, comme la présence de deux prises téléphoniques dans les logements d'une seule pièce (voir clause 771.559.6.1.1), ce qu'on ne retrouve pas de manière systématique.

Publiée en 2002, cette Norme a fait l'objet de nombreuses mises à jour, rectificatifs, amendements et fiches d'explications (18 au total). Épaisse de 606 pages, elle est publiée sous forme de compilation, vendue au prix de 327,50 € H.T., soit 393,00 € T.T.C. C'est une somme de connaissances non négligeable, mais également une somme d'argent importante.

En Grande-Breatgne, la situation est très semblable. British Standards Institution publie la Norme BS 7671 (17ème édition de 2008 avec un amendement en 3013), pour la somme de 85 £ (soit 110 € environ), 464 pages au total. Cette norme est également d'application obligatoire, et chaque électricien intervenant dans l'équipement d'un logement doit posséder sa copie papier. Cela doit représenter un chiffre d'affaires non négligeable.

Le 11 Août 2014, sur la chaîne de télévision BBC 2, un reportage faisait état de l'arrivée en Grande-Bretagne de palettes entières de Normes BS 7671 contrefaites ! C'est non seulement un manque à gagner pour l'institution, mais cela représente aussi des risques pour le client de l'électricien :
  1. d'avoir une installation non conforme
  2. de devoir payer plus cher, notamment dans un cas où la norme contrefaite exige des diamètres de fils électriques supérieurs à ce que la véritable norme demande.


Des normes falsifiées ! Après les laits maternisés adultérés, après les sacs à main, les téléphones portables, les pièces détachées automobiles ou électroniques imités, après les médicaments contrefaits, nous voici donc dans un nouveau créneau de la copie illicite : les normes.

Je ne veux pas relancer ici le débat sur le cout et le prix des normes, ni sur ce que pourrait apporter à l'économie une meilleure diffusion des normes. Mais l'anecdote devrait nous faire réfléchir.

H

samedi 9 août 2014

les ions perchlorate

Les ions perchlorate, de formule chimique ClO4-, sont utilisés comme comburants (apporteurs d'oxygène) dans les feux d'artifice, mais aussi dans un certain nombre d'applications militaires (munitions, roquettes, missiles, grenades sous-marines, etc.). Pas étonnant qu'en ces temps agités, on en fabrique ici où là. (Il faut reconnaître que certaines argiles en produisent naturellement, et que la surface de Mars semble en contenir). Et il a aussi des applications en tannerie ou en teinture, et enfin dans les systèmes pyrotechniques d'amorçage des air-bags

Je vous recommande à ce propos la lecture des documents suivants : Il se trouve que les ions perchlorate sont des perturbateurs endocriniens (ils inhibent l'incorporation de l'iode dans la thyroïde, perturbant dès lors la synthèse des hormones thyroïdiennes). On le sait depuis une vingtaine d'années au moins. Il se trouve aussi que l'ANSES, l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, se préoccupe de la santé publique, et donc des ions perchlorate.

En 2012, il a été procédé à des analyses de la teneur en ions perchlorate dans des points de distribution d'eau destinée à la consommation, et dans les laits infantiles.

Les résultats sont encourageants pour l'eau potable : les trois-quarts des 703 prélèvements sont en-dessous de 0,5 µg/L. Et seulement 2% des prélèvements dépassent le seuil de 4 µg/L, "valeur guide de gestion" définie par la Direction Générale de la Santé pour l'alimentation des enfants de moins de 6 mois (il est étonnant de constater que la définition de cette "valeur guide de gestion" est, sinon introuvable (en tout cas pour moi, aujourd'hui), du moins ... difficile à trouver).

En revanche, pour les laits infantiles, on peut arriver à 10 µg/L. On a alors un risque de dépassement des valeurs toxicologique de référence pour 2% des nourrissons, ceux vivant dans un endroit pour lequel l'eau du robinet contient plus de 2 µg/L d'ion perchlorate. 2% d'une tranche d'âge, ce n'est pas rien (cela représente environ 16 000 enfants chaque année). Mais si on considère que la majorité des dépassements se concentre dans la région Nord-Pas de Calais, c'est encore pire; on doit approcher les 25 ou 30% des nourrissons exposés. Pour toute autorité en charge de santé publique, c'est tout simplement inacceptable. Il y a donc lieu de prendre des décisions fortes.

L'ANSES recommande donc"aux industriels, de diminuer la présence d’ions perchlorate dans les laits infantiles commercialisés en France". Une recommandation aussi sévère, ça doit faire peur aux industriels en question. Enfin j'espère.

Quant à la solidarité européenne, ou internationale, on s'assied dessus. Il n'est pas explicitement recommandé aux industriels de vendre les lots contaminés à l'export, mais s'ils le font et que les lots commercialisés en France sont conformes, alors on ne pourra rien leur reprocher. Sérieusement, soit la molécule est dangereuse, et elle l'est pour tous les nourrissons de la Terre, soit elle n'est dangereuse pour personne. Imaginez-vous que si l'industriel chinois qui avait adultéré du lait infantile à la mélamine n'avait rien vendu sur le territoire chinois, et tout exporté, on lui aurait trouvé des circonstances atténuantes ? "... dans les laits infantiles commercialisés en France." Cette phrase me glace le sang.

Vous trouverez à lire ici :

H