mercredi 25 novembre 2015

"Une" peu de créativité orthographique

La maison Microsoft ne recule devant aucune innovation marketing pour placer son nouveau système d'exploitation, Windows 10. Il faut dire que le système en question traîne derrière lui une drôle de réputation sulfureuse de gros collecteur de données personnelles diverses - dont on ne sait pas trop ce qu'elles vont devenir.

Régulièrement, on a des petites fenêtres qui nous incitent à télécharger gratuitement la mise à jour. Bon, on sait déjà que "quand c'est gratuit, c'est toi le produit". Mais sur un malentendu, ça peut passer... Et hier, j'ai vu ceci :


Quand je pense que Microsoft est souvent décrit comme une entreprise de marketing plutôt qu'une entreprise technique, je me dis que si les programmes informatiques sont revus avec autant de soin que les accroches publicitaires, cela doit expliquer bon nombre de bugs. Quand je repense à l'écran bleu de Windows 95, c'est sans nostalgie, mais je n'excuse pas pour autant ce mépris de l'utilisateur !

Impressionnant, en effet.

H

vendredi 13 novembre 2015

Sidération

6 attentats, au moins 100 morts dans Paris hier soir.

Régulièrement, je rappelle à mes étudiants, à mes clients, l'attention que l'on doit porter à la recherche de l'optimum global d'un système, en acceptant d'oublier les optimum locaux qui nous font tant plaisir d'habitude (comme par exemple l'acheteur qui est fier, heureux d'avoir trouvé une matière première 12% moins chère au kilo, mais qui entraînera ensuite de nombreux surcouts pour son contrôle ou sa mise en œuvre. Et la direction générale obligée de récompenser ce résultat néfaste croira s'en sortir en fixant un objectif différent au directeur industriel, etc.)

Mais là, je suis incapable d'identifier quel est l'optimum local. Qu'est-ce que ces comportements meurtriers, haineux peuvent faire gagner au système ? À un compartiment quelconque du système ? J'échoue à imaginer quoi que ce soit.

Je pense à la douleur des familles et des proches. Ma compassion est dérisoire face à votre épreuve.

H

mercredi 11 novembre 2015

Le salaire au mérite...

Ainsi donc le maire d'une grande ville (un peu moins de 50 000 habitants), des syndicalistes, un ministre même (et non des moindres) s'accordent sur une chose : il est bon de rémunérer les fonctionnaires municipaux au mérite.

Bon, en fait, on ne va pas toucher à leur salaire, c'est à dire qu'ils ne vont pas voir leur salaire baisser. Le code du travail protège les salariés, et la diminution du salaire ne fait pas partie des options pour l'employeur. Ce sont les primes qui pourront être ajustées. Mais c'est une bonne chose, vous dit-on. Pour la motivation, pour la productivité, pour les finances publiques, pour l'image du fonctionnaire. Une véritable panacée. Et vous êtes priés de le croire.

Pourtant, c'est une grosse erreur. Depuis au moins 30 ans, on sait que ce système est contre-productif, mais la paresse intellectuelle (c'est une expression de François Dupuy) dont font preuve ceux qu'on continue d'appeler "nos élites" leur permet de continuer à se tromper...

Le salaire au mérite a été institutionnalisé par Frederick Taylor, à la toute fin du dix-neuvième siècle. Il considérait que l'ouvrier avait tendance à flâner dès qu'il n'y avait plus de contrôleur derrière son dos, et que l'instauration du salaire à la pièce permettait de garantir la motivation. Ce n'est pas d'une éthique irréprochable, mais en effet, ça peut fonctionner. En tout cas pour la production de pièces mécaniques manufacturées (faites à la main, par l'ouvrier). Dès que l'on met une machine dans la boucle, il devient difficile d'attribuer les variations de rendement à l'opérateur, à la machine ou à celui qui la règle et l'entretient. C'est encore plus délicat lorsqu'on parle de service. Comment anticiper les besoins du client avant de fixer les objectifs donnant lieu à prime ? Or, c'est à l'aune de la satisfaction des besoins du client que l'on doit juger du travail accompli. Comment dès lors fixer un objectif individuel à la personne chargée de l'accueil à la mairie ? Passons là dessus.

Les primes au mérite sont doublement, voire triplement, viciées. D'abord, elles induisent le sentiment que la rémunération est scindée en deux parties : d'un côté le salaire fixe, qui est un dû pour le salarié, en l'échange de sa seule présence au travail. De l'autre côté, la prime (ou les primes) qui viendront reconnaitre la réalité du travail accompli. Celui qui ne s'investit pas, qui en fait le minimum, qui ne respecte ni ses collègues, ni ses clients, ni les consignes aura toujours son salaire fixe - et on ne pourra plus lui reprocher de jouer ce jeu pervers.

Ensuite, l'objectif individuel va modifier le comportement du salarié. Il va se mettre à suivre son seul objectif individuel. Et ce, d'autant plus facilement que les conséquences potentiellement négatives de ce comportement ne pourront pas lui être reprochées. Pourtant, on est presque toujours dans le cadre de résultats d'un système, pas de résultats individuels. C'est l'optimum global qui devrait être systématiquement recherché. Or, les objectifs individuels poussent par essence à rechercher de multiples optimums locaux.

Enfin, l'ambiance d'équipe aura plus de motifs à se dégrader qu'à s'améliorer - non plus pour des questions de jalousie ("il a plus été augmenté que moi, alors que je travaille mieux que lui"), mais à cause des multiples frustrations engendrées par ce mode de management : "des causes externes m'ont empêché d'atteindre mes objectifs", "il aurait pu m'aider, mais cela l'aurait empêché d'atteindre ses objectifs, je comprends sa position même si je la déplore", "si je n'avais pas eu cet objectif individuel à atteindre, j'aurais pu aider mon collègue, j'enrage de ne pas l'avoir fait".

Résultat final : des frustrations à tous les étages, une crédibilité qui s'effondre pour la chaine hiérarchique, un renforcement des comportements néfastes au système... Belle avancée !

Alors, monsieur le Ministre, prouvez moi que j'ai tort !

H