jeudi 17 septembre 2015

Simplifions le code du travail

Un chef d'entreprise me disait il y a quelques mois : "regardez le code du travail : il fait 3000 pages. 1 000 chômeurs par page [*], vous avez 3 millions de chômeurs."

Son approche est caricaturale, et je ne vais pas m'y attarder. Mais on entend depuis des mois ce refrain : il faut faire maigrir le code du travail. Et depuis quelques jours, le débat s'accélère : la refonte devient urgente. Pourtant, notre code du travail est assez récent. Il a fait l'objet d'une ré-écriture totale en 2008. Le fond n'a pas changé, c'est simplement la structure, les chapitres qui ont été ré-écrits. Comble de l'ironie (ou de la provocation ?), ce nouveau code a été publié ... le 1er mai 2008, jour du travail, le jour le plus férié-chômé qui soit.

L'épais code du travail qui nous est présenté à la télévision est l'édition qu'en fait un éditeur privé. Il comporte les articles, plus de nombreux commentaires et extraits de la jurisprudence. La police de caractère est petite, et le code lui-même représente probablement moins de la moitié du total (je n'ai pas vérifié). Si vous demandez à Legifrance de vous imprimer un fichier pdf du code du travail, vous obtiendrez un document de 2979 pages, en police Times New Roman corps 12, avec un espace de 30 points entre le n° de l'article et son contenu. Au format Dalloz (l'éditeur des livres à couverture rouge), on descendra sous les 1000 pages. Mais cela constitue tout de même, je le reconnais, un document imposant. Le simplifier doit être possible... Prenons ça comme un chantier d'amélioration continue !

Avant de commencer, le qualiticien que je suis doit se demander "Qui est le client ? Quelles sont ses exigences ?" La réponse est assez simple : la loi protégeant le faible, on peut faire l'hypothèse qu'elle protège le salarié, puisque le salarié est a priori en position de subordination vis à vis de son employeur (cette subordination est même une composante essentielle du contrat de travail). Les complications de la version actuelle du code proviennent donc probablement de négociations longues, ou de corrections de textes rendues nécessaires par l'utilisation de failles logiques par certains employeurs.

Pourquoi, par exemple, trouve-t-on dans le code du travail, les articles suivants ?:
  • Article R4412-20 L'employeur, pour toutes les activités comportant un risque d'exposition à des agents chimiques dangereux, prévoit des mesures d'hygiène appropriées afin que les travailleurs ne mangent pas, ne boivent pas et ne fument pas dans les zones de travail concernées.
  • Article R4412-21 L'accès aux locaux de travail où sont utilisés des agents chimiques dangereux est limité aux personnes dont la mission l'exige.
    Ces locaux font l'objet d'une signalisation appropriée rappelant notamment l'interdiction d'y pénétrer sans motif de service et l'existence d'un risque d'émissions dangereuses pour la santé, y compris accidentelles.
  • Article R4412-22 Lors de travaux susceptibles d'exposer à des gaz délétères dans des espaces confinés tels que les puits, conduites de gaz, canaux de fumée, fosses d'aisances, cuves ou appareils quelconques, les travailleurs sont attachés ou protégés par un autre dispositif de sécurité.

Ces articles sont totalement superflus. On peut les enlever sans réfléchir, les barrer d'un trait de plume. Et voilà une demi-page traitée. On poursuit avec quoi ?

On peut jeter ces 3 articles aux oubliettes parce qu'on est là en présence de telles banalités, de telles évidences, qu'il n'est pas besoin de les rappeler. Aucun employeur doté d'une éthique minimum ne peut imaginer soumettre sciemment son personnel à des risques mortels. Bien entendu, si un ouvrier descend dans une cheminée, il doit être attaché ! Personne ne ferait le contraire. Pourquoi rappeler cette évidence, quand l'Article L4121-1 prévoit déjà que "l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs" ?

Redescendons sur terre ! Si le code du travail prévoit toutes les circonstances où un travailleur doit être protégé, c'est qu'il existe des employeurs qui n'ont pas un curseur suffisamment bien réglé pour identifier les situations à risque. Ou d'autres qui n'ont pas l'éthique suffisante pour cela.

Simplifier le code du travail ? Facile ! Que ceux qui fixent les conditions de travail fassent preuve d'éthique, et les règles pourront être minimales; le simple bon sens suffira à trancher les cas non prévus.


Je crains que ce ne soit pas pour demain !


H


[*] : 1 000 et pas 10 000 comme je l'ai publié d'abord. Cette personne était brutale dans son approche, mais moi je ne me suis pas relu. Merci à Erwann de l'avoir fait pour moi !

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