samedi 18 mai 2013

Tout fout l'camp !

Tout fout l'camp !

Cette semaine, j'ai animé une formation aux principes essentiels du management de la qualité - ce que je fais régulièrement. Mais là, j'avais dans mon public deux salariés représentants du personnel dans leurs entreprises respectives, tous deux syndiqués, l'un étant même délégué national.

Présentant les bienfaits de l'amélioration continue, je prends l'exemple de l'automobile, montrant que les véhicules d'entrée de gamme d'aujourd'hui coutent moins cher (l'unité étant le mois de SMIC) qu'il y a trente ans, alors qu'ils sont plus fiables et mieux équipés. Comme souvent, c'est l'occasion d'un moment d'échange, chacun rappelant les bonnes ou mauvaises expériences qu'il a eues avec son véhicule. Le délégué national nous explique alors qu'il possède une Dacia (je crois que c'est un Duster version prestige plus, mais je n'en suis pas certain). Je lui fais remarquer que ce choix est étrange de la part d'un responsable d'une centrale syndicale qui attire l'attention sur les dangers des délocalisations industrielles. "Ah, non ! Moi, j'achète une Renault, une marque française. Après, l'endroit où elle est fabriquée ne me concerne pas". Je dois dire que j'ai le sentiment d'avoir entendu là le même cynisme que celui qui est souvent reproché aux "patrons".

Poursuivons. Pour illustrer les principes de choix des indicateurs, je présente la chaîne logique : on part des objectifs de l'entreprise, puis on les décline de manière de plus en plus opérationnelle, avec à chaque fois des indicateurs pour piloter le processus. Et je commence donc par le début : l'entreprise, quelle qu'elle soit, doit gagner de l'argent. Mais on ne peut pas utiliser cet objectif, pas plus que les indicateurs associés, pour piloter des activités très opérationnelles ! Le second syndicaliste intervient aussitôt : "Avec une vision comme celle-là, on en vient systématiquement à des licenciements : pour faire de l'argent, il faut licencier, c'est une mauvaise approche que de tout rapporter à l'argent". Je réponds alors que sa remarque porte sur les moyens de gagner de l'argent, et sur l'utilisation de cet argent, pas sur le fait que l'entreprise doive en gagner, et j'embraye sur la cohérence que l'on doit avoir lorsqu'on a identifié un but. Et comme exemple je prends l'attitude individuelle devant l'actionnariat. De nombreux français sont actionnaires, et pas uniquement ceux qui font partie des catégories socio-professionnelles les plus élevées, les ouvriers aussi. Soit individuellement, soit par le biais de fonds communs de placement. "D'accord, mais on n'a pas le choix !" m'a-t-il interrompu. "Vous avez le choix, au contraire. Il y a souvent 3 possibilités : un portefeuille constitué d'obligations, sans risques et de rendement faible, un portefeuille constitué de produits monétaires, un peu plus rémunéré et un peu plus risqué, et un fonds en actions, plus rémunérateur. Vous pouvez donc mettre votre argent où vous le souhaitez." "C'est de l'hypocrisie : vous voyez bien qu'ils nous obligent à prendre le fonds en actions. Je ne vais tout de même pas choisir la solution où ma participation va me rapporter le moins ! Qu'ils nous trouvent des obligations qui rapportent beaucoup, et on verra. Non, le système est biaisé, on n'a pas vraiment le choix." "Mais enfin, vous pouvez tout de même choisir de ne pas investir en actions, si vous pensez que cela va amener le licenciement de travailleurs ici ou là dans le monde ?" C'est le délégué national qui a conclu l'échange "Ah oui, si vous voulez ne pas prendre de risques, alors vous choisissez les obligations, bien entendu."

Où est donc passé l'époque où les individus avaient des convictions, et assumaient leurs choix idéologiques ? Les années 80, avec le boycott des oranges d'Afrique du Sud, moins chères mais issues d'un régime politique non éthique, ce n'est pas si éloigné que cela ? Si ? Il n'est pas imaginable de refuser d'investir dans des actions, parce que cela correspond à une vision du monde qui ne vous convient pas ? Je croyais que les derniers individus à avoir des convictions sociales étaient les syndicalistes. Je suis déçu.

H

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